Ils sont entrés discrètement un par un. Régulièrement au retour d’un voyage et souvent dans la nuit, nous en découvrions de nouveaux. Le salon de l’appartement ne s’appelait pas encore Hôtel des 3 collèges, mais ils avaient déjà pris leurs quartiers. Comme s’ils avaient entendu cette discussion que nous avions eu un soir d’avril avec Maxime Bichon. Il y avait l’intuition que cette exposition s’adresserait à notre instinct-insecte. L’accord tacite de la relation commissaire-artiste a donc induit le fait que nous devions nous accommoder de cette nouvelle cohabitation avec une autre forme organique. Non plus les considérer comme des ennemis à éliminer mais plutôt comme des êtres vivants à l’image de colocataires. Il y eut d’abord les papillons de nuit partout sur les rideaux, puis les limaces dans la douche, les classiques moustiques des nuits d’été et puis dernièrement les mantes religieuses au-dessus du lit. L’ordre des choses était donc retourné, nous devions prendre en considération l’invisible,
ce que l’on souhaite en général voir disparaître.

Il s’agissait donc d’accepter les changements de statuts, aller au-delà de la modification d’un espace domestique à un espace d’exposition mais bien d’envisager notre salon comme un espace hôtelier. Chacun ayant en commun la notion d’hospitalité et de partage.

Une fois passé les rideaux qui séparent l’appartement de l’hôtel nous voilà projetés dans une étrange nuit, le jour est joué dehors pour mieux faire ressortir la nuit de l’intérieur.
Une inversion des positifs et négatifs se trame un peu partout dans les formes qui apparaissent aux murs. Chacune d’entre elles sont comme la cristallisation du passage d’un état à un autre. Ces états indéfinissables pourraient-être ceux de l’émergence, le temps des intuitions, celles qui apparaissent dans la nuit et prendront ensuite forme à l’image de ce qu’il se passe dans le cocon d’un papillon. On séjourne ou passe dans l’unique chambre de l’Hôtel des 3 collèges comme si nous étions sur une piste de décollage : un tarmac pour la pensée.

Ce tarmac de la pensée c’est ce qu’il y a avant la transmission, avant la fixation matérielle.
Le tarmac de la pensée peut émerger d’une forme de dialogue qui se joue avec soi-même ou des partenaires pendant la formation de l’exposition.

Dans la chambre de l’hôtel, comme il y avait déjà dans la première partie de l’exposition à Rome, il y a ce portrait, un objets métallique contenant des produits chimiquement antinomiques, ici mélatonine et caféine, qui semblent transmettre un sentiment vis à vis d’une situation qui se construit dans une tension. Une tension positive, bercée la lecture d’un mantra méditatif qui fait se fondre nos corps dans l’installation.

Pendant les dix jours où les sculptures ont commencé à prendre leur place dans l’appartement, il a fallu les apprivoiser comme des nouvelles narrations qui berceront notre quotidien. Et puis dans les conversations, celles sur le lit et celles à distance entre Rome et Athènes, il est apparu que nous devions être confiants sur le fait qu’il s’agissait de parler d’intuitions. Assumer que cette forme intangible pouvait générer sa propre narration, celle de la suspension. Parfois, nous sentons que les choses sont en relation sans savoir pourquoi. Pour la personne qui regarde, qui reçoit, le sens peut paraitre évident, mais pour celui qui le produit, ce n’est pas dans la transmission du sens que cela se joue, mais plutôt dans l’harmonie. Cette harmonie provient d’une intuition, elle est toute entière l’expression même de cette intuition. Et pour que cette harmonie se produise, pour que cette intuition ait la puissance de produire cette harmonie, c’est le cadre que nous lui donnons, nos tentatives qui vont la renforcer.

Dans la chambre de l’hôtel des 3 collèges, dans la vraie nuit, pendant que les insectes percent me peau, je relis Marienbad électrique, Enrique Vila-Matas raconte que Dominique Gonzalez-Foerster, travaillant souvent la nuit lui a un jour dit que « les idées apparaissent souvent comme des aurores boréales ».

L’hôtel des 3 collèges serait donc une intrusion de vie dans les nuits athéniennes venant les teinter de son voile coloré.

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Maxime Bichon (FR, 1989)

Les performances de Maxime Bichon ont eu lieu au Palais de Tokyo (La Manutention, 2017), à Centrale Fies (lauréat Live Works, Italie, 2016) et au Centre Pompidou (Nouveau Festival, 2015). Il a présenté sa première exposition personnelle, La fuite et l’enveloppe, à Treignac Projet en Corrèze au printemps 2021. Il a été récemment invité à des expositions collectives à High Art (Paris, 2020), Hotel Normandy (The Community, 2020) et au CAPC (Bordeaux, 2021).

Il prépare actuellement deux expositions personnelles : l’une pour Art au centre/Bassin Caresse (Brest, 2022) et l’autre au CAPC (Bordeaux, 2023).

Il a co-fondé en 2015 The Cheapest University, école artistique et gratuite, qui l’a notamment amené à travailler à La Salle de Bain (Lyon, 2018), à la Künstlerhaus Büchsenhausen (Innsbruck, Autriche, 2018), Paris Internationale (Paris, 2017).

Documentation
kubaparis
Contemporary Art Library